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Ecologie, croissance et décroissance (deuxième de 3 articles)


lundi 11 juillet 2022









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J’ai évoqué dans une précédent article la complexité de la question écologique dans les sociétés réelles. Si la nécessité d’un changement en profondeur du regard s’impose, cela ne nous dit pas ce que cela implique au niveau collectif. La question qui se pose ici est celle de la décroissance et de la fascination qu’elle exerce, et des décisions plus ou moins précipitées que les peurs collectives entraînent. Mais comme nous le verrons, nous nous heurtons ici aux limites de notre savoir et de notre capacité à planifier la vie collective. Il nous faut donc réapprendre à vivre sans certitudes matérielles.

Décroissance, capitalisme et société moderne

Les conceptions en faveur de la décroissance méritent un examen nuancé, mais critique. Evacuons d’abord la question du rapport avec le capitalisme. Ces conceptions combinent en effet deux lignes de réflexion assez différentes. D’un côté, une analyse de fait, dans la ligne de l’écologie dure, considérant que la croissance actuelle est insoutenable, et plus généralement toute croissance impossible à terme, d’où une remise en cause radicale du système économique actuel. Nous y reviendrons, mais notons qu’on va alors bien au-delà de la critique du seul capitalisme.

De l’autre côté, il y a une confusion entre l’idée de capitalisme (l’argent est là pour gagner de l’argent), celle de productivisme, et des réalités comme le marché ou l’entreprise. Il est légitime de repérer comme cause première de ce que notre emprise sur la nature a de malsain cette idée que la croissance matérielle doit être poursuivie coûte que coûte, que le progrès mesuré matériellement est inéluctable et bon par nature, et que la nature est là pour être utilisée selon nos désirs – ce qu’on peut appeler productivisme. Cela ne condamne pas la croissance en soi, mais cela conduit à remettre en cause cet a priori consistant à se considérer autorisé à arraisonner la nature sans souci des conséquences et des effets. Mais cette attitude arrogante ne se confond pas purement et simplement avec le capitalisme, quels que soient les défauts de ce dernier. Le capitalisme est fondamentalement cette idée que l’argent est là pour gagner de l’argent ; il fait évidemment très bon ménage avec ce productivisme. Mais on peut avoir un productivisme très violent, et dévastateur pour l’environnement, sans capitalisme : on l’a vu en Union soviétique. On peut dire ce qu’on veut, mais l’économie n’y était pas dominée par l’argent ; elle l’était par le culte du pouvoir et de la croissance matérielle. La Chine actuelle relève en partie de cet analyse. Le paradigme technologique est donc plus large que le capitalisme au sens propre du terme. Or si le capitalisme au sens étroit du terme, qui privilégie l’accumulation, s’accommode très naturellement d’un système d’arraisonnement brutal de la nature et de croissance sauvage, inversement il n’est pas évident qu’il exige la croissance comme une nécessité fonctionnelle, en soi ; et sa capacité à s’adapter est considérable.

En réalité, ce sont nos sociétés en général qui se sont fondées sur ce type de croissance. Toute remise en cause de notre mode de vie collectif, et notamment du type de croissance que nous connaissons, affecterait nécessairement, et en profondeur nos sociétés en général, plus encore que le capitalisme tel que nous le connaissons. Y compris la démocratie moderne. En effet, l’individualisme et le relativisme ambiants impliquent que la seule référence est les préférences des individus, et non l’intérêt général et encore moins le bien commun ; cela fait donc très bon ménage avec le productivisme, car plus la croissance qu’on vise est forte, plus il y a de gens satisfaits à court terme. Cela s’accorde aussi avec le capitalisme ; mais cela peut parfaitement se passer de ce dernier : la démocratie par exemple est supposée refléter les préférences des gens et peut donc être individualiste et matérialiste sans qu’il y ait capitalisme. Conspuer le ‘capitalisme’ sans plus de précisions comme le font nombre d’écologistes est donc simpliste. Ce n’est pas entièrement injustifié, tant s’en faut, mais cela mélange les problèmes sans bien préciser la cible. En réalité, ce qui importe est le système de valeur ou l’anthropologie dominante, et sa traduction dans des institutions et un système social.

A fortiori, reconnaissons que le marché est, lui, d’un tout autre ordre ; c’est un outil social, qui existe dans toutes les sociétés un tant soit peu libres, car il résulte de l’interaction entre les agents. Certes, le capitalisme lui donne une place majeure et en offre une conception particulière et envahissante. Mais le marché existe sans ce qu’on appelle capitalisme : il est l’expression de la confrontation des choix des personnes et reflète leurs priorités, lesquelles ne sont pas nécessairement limitées ni à l’argent tout-puissant, ni à des caprices personnels arbitraires. En soi, si le système de valeur collectif évolue, le marché au sens propre tendra à refléter ces nouvelles valeurs dominantes, car c’est sa fonction ; en outre, bien entendu, comme tout marché, il doit être encadré par des lois, et des institutions comme les tribunaux. Cela suppose de s’éloigner du capitalisme individualiste et matérialiste, mais pas d’une société économiquement décentralisée, avec liberté économique et marché. Bien au contraire, sans prise en charge par des personnes autonomes, aucune écologie n’est possible ou crédible. Or s’il y a des personnes autonomes il y a marché, même si ce n’est pas leur seul mode d’expression économique.

Décroissance : position du problème

Passons maintenant au niveau concret. Si le type de croissance que nous connaissons trouve sa fin, ce sera soit parce que le système rencontrera des limites incontournables qui le bouleverseront comme système, dans une grande crise. Soit parce qu’un choix de valeurs différentes, en outre politiquement assumé, sera intervenu, comportant modification en profondeur de notre genre de vie. C’est cette deuxième voie qu’explorent les partisans de la décroissance. Cela débouche en général sur deux séries de propositions. D’un côté, une réduction volontariste de la production et de la consommation, bien au-delà de la frugalité, d’une consommation plus réduite et plus qualitative. D’un autre côté, une reterritorialisation, s’opposant à la mondialisation et privilégiant les circuits courts et la production directe. Le lien entre ces deux lignes n’est pas automatique ; notamment, le refus de la croissance peut conduire d’autres écologistes durs à proposer des modèles de sociétés centralisés, voire très autoritaires. Inversement, on peut vouloir un mode de consommation différent et la renaissance de communautés locales sans être convaincu de l’impossibilité de toute croissance et sans voir comme une nécessité la sortie d’un système économique fondé sur l’entreprise et le marché.

Nous pouvons d’ores et déjà faire quelques remarques. Il est d’abord difficile de ne pas prendre en compte les demandes de réduction de notre consommation frénétique, ainsi que la prise en compte de limites écologiques. Il en est de même de l’éloge des communautés locales et de la subsidiarité ; une reterritorialisation partielle en serait une conséquence naturelle. Il y a donc ici des intuitions de base et des exigences qu’on ne peut que rejoindre. Mais on va bien plus loin. Une véritable propagande culpabilisante s’abat sur une opinion incapable de faire la part du vrai et du faux, mais qui se trouve de ce fait acculée à envisager l’avenir en termes purement négatifs. Ce qui est d’autant plus désespérant pour les milieux populaires que par ailleurs leurs perspectives s’assombrissent, en Occident notamment, avec la mondialisation et la montée des inégalités. En outre, si on reste cohérent avec la dramatisation, cela implique une action politique brutale, imposée à la société, ce qui a rarement porté de bons fruits.

Ce qui nous conduit à trois remarques. La première est que si la frugalité est une vertu, l’abondance matérielle n’est pas a priori condamnable comme telle ; toute la question est celle de la juste mesure. La seconde est une interrogation : ce que nous savons vraiment, tant sur le plan concret et technique qu’en ce qui concerne la nature humaine et son rôle dans l’histoire, rend-il manifestement inéluctables de telles perspectives radicales ? Il y a bien des raisons d’en douter. Non pour faire l’éloge du système actuel. Mais pour rappeler que notre absence de maîtrise vaut aussi pour notre connaissance de l’avenir. L’impasse ou la catastrophe ne sont pas des certitudes, encore moins lorsqu’on les décrit comme imminentes, dans ce qui relève d’un a priori apocalyptique plus que d’un constatation incontestable. Et nous en avons encore moins sur la troisième question que soulèvent ces idées, qui est leur faisabilité politique, a priori très faible, comme on l’a évoqué dans le premier article.

Il faut donc examiner de près les données réelles du débat, et notamment la base scientifique et économique de ces perspectives pessimistes.

La science et ses limites, la décision politique

La crise du coronavirus a mis à nouveau la science sur la sellette. On a vu des scientifiques a priori compétents et respectables émettre des opinions parfaitement contradictoires ; des décisions publiques majeures prises sur la base de publications qui se sont avérées pas si sérieuses mais issues de revues renommées ; des déclarations successives de comités scientifiques se contredire après quelques semaines, par exemple sur l’utilité des masques. Pour le citoyen c’est très troublant. D’autant plus que ce domaine de la santé est particulièrement sensible, car des vies sont en jeu. Or la motivation du confinement, purement sanitaire, se fondait sur les arguments de ces scientifiques que sont les médecins. Le pauvre citoyen, assommé par ces nouvelles, s’est donc trouvé bon gré mal gré devoir suivre le troupeau, sans être toujours convaincu du bien-fondé de ce qui se passait. Suspicion d’autant plus légitime que les résultats obtenus par les diverses politiques suivies varient beaucoup selon les pays.

Pourtant, que ce soit pour la crise sanitaire ou pour l’écologie, la solution passe elle aussi par la science et la technique. Nous avons besoin de la science, mais nous découvrons avec consternation qu’elle n’envoie souvent pas un message clair et s’avère même bien souvent ambiguë. Parallèlement, pour la plupart d’entre nous, nous ne nous sentons pas en état d’en juger par nous-mêmes. Moralité, nous devons nous habituer à vivre dans cette situation, qui se reproduira.

Cela dit, quelques distinctions pratiques peuvent nous éclairer. En premier lieu, il y a science et science. Il y a des domaines où des lois peuvent être énoncées et vérifiées expérimentalement sur grande échelle. Ainsi d’une très grande partie des sciences physiques. Dans ces cas, ce que dit la science est raisonnablement fiable – même si cela ne nous dispense pas de notre responsabilité dans l’usage qui en est fait. Mais ce n’est qu’une partie de ce qu’on appelle science.

Il y a ensuite des domaines où la science n’est pas en état de formuler ce genre de lois vérifiables et vérifiées. Dans ce cas, sur la base des données qu’il a, le scientifique fait des hypothèses, monte des modèles, et tente de vérifier les conséquences qu’il en tire. Son avis reste précieux et indispensable, parce qu’il a un réel savoir, a priori bien plus étoffé que celui du profane. Mais il peut aussi se tromper, les avis peuvent diverger, et les jeux d’intérêts ou de pouvoirs sont importants. Une partie appréciable de ces avis est basée sur ces modèles, dont la fiabilité n’est pas évidente surtout si les données manquent. C’était le cas avec la Covid 19 : ce virus ressemble certes à d’autres virus connus, et ce n’est pas la première épidémie qui survient ; on ne partait donc pas de rien. Mais il a aussi des spécificités fortes, et elles étaient mal connues. Cela veut dire une chose simple : dans une telle situation, on ne peut pas décider purement et simplement sur la base d’avis scientifiques, comme l’ont sottement proclamé les gouvernements à l’époque. Il faut évidemment les écouter avec soin, mais le rôle du décideur subsiste, après débat.

Il y a maintenant un troisième domaine, qui recouvre toutes les affaires humaines, objet de ce qu’on appelle les sciences humaines, dans lequel la certitude est beaucoup plus faible encore. Sociologie, science politique, économie même (malgré ses chiffres) relèvent de cette catégorie. En fait c’est le mot même de science qui est alors équivoque. Cet emploi est justifié s’il souligne qu’on peut dans ces domaines aussi mener une vraie exploration, à la recherche de la vérité, en s’inspirant des sciences dures ou autrement, et par là parvenir à des éléments qu’on peut appeler des savoirs. Mais il est abusif si, en employant le même mot que pour les sciences dures, on se pare indûment de la certitude relative mais objective que ces dernières peuvent donner, qui est hors de portée dans les ‘sciences’ humaines. Car si dans ces domaines on ne parvient pas aux même certitudes, c’est pour des raisons fondamentales et durables. Non seulement parce que l’objet de l’étude est très compliqué, résultant de l’action de millions de volontés distinctes et relativement autonomes ; que les émotions et appréciations subjectives y jouent un rôle majeur ; ou que le savant n’est pas neutre par rapport à la matière qu’il étudie. Mais aussi pour une raison essentielle, rarement soulignée, qui est le caractère réflexif de ces sciences, à savoir le fait que dans ces matières proclamer une loi ou une vérité, ou agir sur leur objet, change par là même cet objet. Cela peut selon les cas invalider la loi, même si elle était vraie avant, ou au contraire l’auto-vérifier, même si elle était contestable. On voit cela déjà avec les prévisions de trafic. Ou avec les épidémies, car si le comportement du virus ne dépend pas de nous, en revanche l’annonce d’une conclusion dite scientifique, ou la prise de mesures sanitaires change le comportement des gens. Dès lors, dans tous ces domaines le rôle du décideur ou du dirigeant est essentiel, mais c’est un rôle politique, car il s’agit d’influencer au mieux le comportement de millions de gens dans le bon sens.

Conclusion pratique : ce qui se présente comme science pose des questions analogues à ce qu’on rencontre dans l’information. On disserte beaucoup aujourd’hui sur les méfaits de l’information bidon sur les réseaux sociaux ou les médias, les fameuses fake news. Sauf cas extrêmes, la solution n’est pas de les interdire systématiquement, mais de prévenir le public que cela existe, et l’encourager à exercer un esprit critique sur l’origine de ces informations, leur vraisemblance etc. Il faut manifestement opérer de la même manière avec ce qui se pare du nom de science. Et cela vaut encore plus pour les décideurs, qui ne peuvent pas se dissimuler derrière une supposée science transformée en oracle, même s’ils doivent évidemment écouter les vrais savants – malgré leurs limites. Le métier de ces décideurs, c’est la communauté et leur responsabilité envers elle. Ce que fera cette communauté sera en partie le résultat de leur action, mais rarement un effet calculable à l’avance.

Limites de la connaissance scientifique en économie et écologie

Les limites de la connaissance scientifique, dès qu’on parle de faits humains, sont particulièrement évidentes pour l’économie et l’écologie. Il existe ce qu’on peut appeler une ‘science’ économique, et elle fournit une information précieuse et absolument indispensable pour l’action ; mais malgré l’arsenal mathématique qui y est souvent déployé, c’est une science humaine, et par là inapte à appréhender toute la réalité dans des équations capables de prédictions vérifiées. Sans parler de son rôle idéologique éventuel. J’ai évoqué ce dernier point en matière financière dans divers ouvrages. En matière humaine, il faut donc intégrer dans la démarche collective une dose majeure d’humilité épistémique, systématique, et qui doit subsister quelle que soit la qualité du travail d’analyse et de prévision réalisé. La maîtrise, intellectuelle ou matérielle, n’existe pas, mais cela vaut aussi pour les acteurs les mieux intentionnés. Les plus dangereux sont souvent ceux qui avancent résolument avec de bonnes intentions, car précisément ils iront plus loin dans des directions qui peuvent s’avérer fausses, et ils transmettront de façon contagieuse leur confiance mal placée.

Valable pour l’économie, la remarque vaut évidemment aussi pour l’écologie, pour les prévisions optimistes comme pour les pessimistes. Comme on l’a dit dans un article précédent, autant on peut être assez assuré des constatations en matière de pollution ou de disparition des espèces, autant la question du réchauffement, ou plus exactement du rôle qu’y joue l’homme, dépend dans son appréciation de modèles, notamment climatiques, qui ne donnent pas une certitude scientifique, contrairement à ce qui est régulièrement répété - mais qui sont dotés d’une forte probabilité. On ne peut donc ignorer leurs avertissements, mais on ne doit pas les fétichiser. De la même façon, on s’emballe sur l’idée d’énergies renouvelables (solaire et éolien) sans voir les limites du concept (intermittence et besoin de minerais rares). Cela ne justifie en aucun cas l’inaction. Mais la vertu consiste aussi à savoir avancer en gardant constamment en tête les limites de notre savoir. A nouveau, notre responsabilité morale, et la vertu, s’exercent et s’exerceront toujours en environnement non maîtrisé. Cela vaut aussi bien pour les écologistes que pour les acteurs du système. Et cela vaut a fortiori pour l’idée même de décroissance.

Limites de l’idée de décroissance

S’agissant de la décroissance, concrètement, il n’est pas démontré que nous devions nécessairement avoir comme horizon certain une limitation matérielle de nos ressources, nous conduisant à une reterritorialisation totale, chacun s’efforçant localement de vivoter sur la base des seules ressources manifestement renouvelables qu’il a à sa portée immédiate. Les postulats malthusiens sont trop souvent pris comme des absolus indiscutables. Vus de leur temps, les postulats de Malthus (progression géométrique de la population, arithmétique de la production - nous dirions linéaire et exponentielle) étaient intelligents et pouvaient apparaître très solides ; or ils se sont heurtés de plein fouet à l’imprévisibilité du progrès technique. Et, de même que les prévisions catastrophistes du Club de Rome dans les années 70 se sont avérées souvent pessimistes, même s’il y avait une intuition juste, il n’est pas évident que l’humanité ne trouvera pas à chaque étape une nouvelle série de ressources qui lui permettront de franchir un autre stade, notamment en matière énergétique (solaire, hydrogène, fission nucléaire, ou autre). Comme elle peut arriver sur des impasses. Il est donc urgent et essentiel d’y travailler, en abordant les questions avec sang-froid et raison, sans certitude d’aboutir.

On répète en outre comme une évidence qu’on ne peut pas avoir de croissance infinie dans un monde fini. C’est plausible si la croissance est surtout quantitative et si elle toujours plus consommatrice de ressources matérielles relativement rares ; pas nécessairement, si elle est plus qualitative, recyclée, et sans cesse à la recherche de ressources renouvelables ; et pas non plus si on trouve de nouvelles ressources, d’autant que certaines sont abondantes, y compris sur le plan énergétique contrairement à ce que certains expliquent. La notion quantitative de ressource physique, et l’idée même de limite, sont en effet dépendantes de l’état des technologies : demain l’hydrogène par exemple, qui est potentiellement très abondant et déjà utilisé dans des moteurs, peut devenir une ressource énergétique d’usage courant, relativement bon marché et propre, ce qu’il n’est pas aujourd’hui. Et la croissance signifie en soi plus de possibilités d’action, parce que basées sur des ressources plus larges, y compris pour agir en faveur de l’environnement. Encore une fois, cela ne démontre pas qu’une croissance de ce type est possible ou se réalisera ; cela montre seulement que l’exclure a priori est arbitraire.

Par ailleurs, en supposant même que les ressources non renouvelables, notamment minières, se révélaient un jour décidément limitées, sans relais visible, sans doute mieux valait les utiliser pendant tout un temps, plutôt que de les laisser dormir inutilement. A quoi servent des réserves de pétrole si personne ne les utilise ? En outre, si le progrès technique comme l’organisation collective peuvent tous deux conduire à des effets nocifs, voire à des désastres, il n’est pas démontré que ce soit une fatalité. En fait même, au point où nous en sommes, ils sont seuls à même de nous permettre d’envisager (sans certitude) de rattraper nos erreurs. En définitive, si nous voyons bien que la croissance matérielle peut se heurter à des limites physiques, du moins à technologie donnée, est-ce une raison pour renoncer à l’usage de ces biens ? Non : mais c’en est une pour essayer, dans la limite de nos moyens, pour être responsables et utiliser à chaque étape nos ressources et notre savoir transitoires pour tenter d’aller vers une autre étape, plus durable, et faire du bien dans l’intervalle. Le risque sinon est le développement d’une telle obsession malthusienne qu’elle finisse par stériliser les solutions elles-mêmes.

En guise de conclusion

Dans la démarche à mener, on l’a dit, il n’y a pas de certitude, ni dans un sens ni dans un autre. Transformer le mode de vie d’une société et de la multitude humaine qui la constitue, prise dans des systèmes complexes que personne ne maîtrise, sur la base de données scientifiques et techniques mouvantes, est nécessairement une opération longue et non planifiable. On le voit avec le réchauffement : réduire l’empreinte carbone touche tout notre mode de vie, des transports à l’habitat ou à la production industrielle. Or dans tous ce domaines nous n’avons actuellement pas de solution définitive (durable) et nous en sommes même très loin. Et même les solutions intermédiaires restent évolutives. Les écologistes les plus responsables ont dû avaler la nécessité du nucléaire, qu’ils conspuaient autrefois. La voiture électrique se heurte à des difficultés considérables, liées notamment aux batteries. Celles-ci comme plus généralement le solaire et l’éolien supposent des matériaux rares et non renouvelables. Etc.

Un tel effort collectif suppose donc à chaque étape que les décisions prises aillent le plus loin possible dans ce qui est socialement tolérable, mais sans faire de pari destructeur ; et surtout de préparer l’avenir, notamment par la recherche scientifique et technique. Il est tout à fait concevable que cela ne suffise pas pour éviter des évènements désastreux ou catastrophiques. Mais la précipitation sous l’emprise de la peur peut y conduire aussi. Gardons notre sang-froid….
















































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