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Le coup de semonce salutaire du Brexit


mardi 28 juin 2016









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Le Brexit, la décision britannique de sortir de l’Union européenne n’a pas été seulement un coup de tonnerre. Elle a mis à jour l’ampleur des problèmes de l’Union. La violence inouïe de la critique adressée aux électeurs britanniques est symptomatique de la soumission quasi religieuse que le système de pensée dominant exige par rapport à l’idée européenne, d’autant plus étrange qu’il se veut rationnel.

Bien au contraire ce doit être pris comme le signal salutaire que les choses ne vont pas du tout comme elles devraient.

Le référendum, c’est la démocratie

Le plus fascinant est sans doute la remise en cause par de nombreux commentateurs du principe même du référendum. Alors que nos sociétés politiques sont fondées sur la légitimité populaire, il faudrait éviter toute consultation directe du peuple sur une question précise. Le seul droit dudit peuple serait en fait de déléguer son pouvoir tous les 5 ans à des députés qui seraient libres ensuite d’en faire l’usage qu’ils voudraient. Ou en France pour le Président de la République. Mais comme tous ces braves gens sont élus sur des programmes à la fois flous et combinant les sujets les plus variés, c’est en réalité sur une impression générale assez émotionnelle et des mouvements d’humeurs qu’ils sont élus. Ce qui est encore moins rationnel que de répondre à une question en référendum, qui a au moins le mérite d’être assez bien définie et en tout cas unique. Il est d’ailleurs caractéristique que le pays le plus démocratique de la planète, et depuis bien plus longtemps que tous les autres, la Suisse, pratique activement le référendum ou votation, notamment d’initiative populaire. Et cela se passe très bien.

L’urgence du référendum est particulièrement grande dans tout ce qui est considéré comme essentiel et constitutif de la vie en commun. Donc tous les questions de souveraineté ou de constitution au sens large. Dans une Europe rongée par le scepticisme et le désenchantement, croit-on retrouver une ferveur populaire sans poser directement aux peuples la question de ce qu’ils veulent ? Le Brexit était sur ce plan exemplaire. Son tort était sans doute d’être trop radicalement en blanc ou noir : mais peut-être était-ce indispensable pour donner le coup de pied à une fourmilière qui en avait bien besoin.

On met en avant la supposée irrationalité des arguments du débat sur le Brexit, la fausseté de certains chiffres etc. Mais d’une part et à nouveau ce n’était pas plus irrationnel que dans n’importe quelle élection. D’autre part et surtout cela ne s’est évidemment pas joué là-dessus. La vraie question de fond qui se posait aux Britanniques et qui a emporté la décision était double : souveraineté et immigration. Westminster doit-il ou non continuer à céder sa souveraineté aux comités bruxellois ? Devons-nous admettre une immigration décidée par d’autres ? La décision délirante de Mme Merkel l’an dernier n’est pas qu’une péripétie : elle a mis en évidence que dans l’Europe qui se construit, un peuple perd le droit à définir ce qu’il est.

Un certain progressisme considère depuis plus de deux siècles que ce qui est démocratique n’est pas ce qu’un peuple décide, mais ce qui va dans le sens de l’histoire tels que ces progressistes le comprennent. mais en même temps ils se proclament démocrates. Cette attitude est une escroquerie mentale, dévastatrice pour la vie commune. Il faut faire exactement le contraire et généraliser le référendum, notamment d’origine populaire, sur tous les sujets de fond qui le méritent.

Si on est contre la démocratie, qu’on le dise franchement. Cela aurait au moins l’avantage de désigner clairement et honnêtement qui détient le pouvoir réel et qui en a la responsabilité, ce que fait une monarchie par exemple.

Le processus de décision européen ne peut être que détesté

Ce faisant on se situera à l’opposé exact du processus de décision européen actuel. Bien plus radicalement encore que dans les systèmes démocratiques nationaux, on y a fait disparaître toute forme de responsabilité. Non seulement les assujettis n’ont pas la moindre idée de la manière dont les décisions sont prises, mais ils ne savent pas qui les prend, et ces décisions n’ont rien à voir avec un quelconque programme proposé un jour ou un autre à des électeurs. En fait la méthode bruxelloise, c’est de remplacer le politique par des procédures.

On dit que les politiciens nationaux sont la cause de la désaffection populaire envers l’Union européenne, parce qu’ils renvoient en permanence la responsabilité de ce qui est décidé sur Bruxelles. Peut-être, mais ce n’est pas pour rien : d’une part la quantité de décisions qui y est transférée est énorme et stupéfie les citoyens quand ils la découvrent. D’autre part c’est justement la confiscation de la décision par les processus opaques de Bruxelles qui déresponsabilise. Pourquoi les politiciens se mouilleraient-ils pour de tels décisions, qui sont le résultat de palabres laborieux où ils ont tout au plus le droit de se rallier à ce qu’on appelle un consensus, quand ce n’est pas une décision des bureaux de la Commission ? Pourquoi se battre pour des batteries infernales de normes prétendant tout régir dans le marché unique, de la Suède à Malte ?

Et quand des mécanismes sont créés, dont on attend plus d’efficacité, le choix est alors de les confier entièrement à des décideurs non élus. La zone euro et l’Union bancaire en sont l’exemple caricatural. Sans d’ailleurs convaincre, même en termes d’efficacité. Sans parler de la planche à billets de M. Draghi, dont les effets pervers ne se feront sentir qu’à terme, l’Union bancaire par exemple était supposée régler les problèmes des banques d’Europe du Sud : ce qu’on voit est qu’ils subsistent, notamment en Italie, et que le pouvoir politique local est bloqué par la rigidité excessive des règles mises en place.

Ne parlons pas des Cours de Justice qui se permettent allégrement de casser les décisions de parlements élus pour y substituer leur idéologie. Même si elle est hors de l’union, la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) est ici particulièrement toxique. Si on veut gagner la confiance des peuples, il faut bien évidemment casser la tyrannie de ces abstractions.

L’idée fausse par excellence : accélérer l’intégration de la zone euro

Mais le mécanisme automatique de la pensée européiste étant ce qu’il est, la réponse au Brexit est au contraire d’accélérer l’intégration, au moins d’un noyau dur. Ce qui est exactement ce qu’il ne faut pas faire. Non seulement parce qu’il n’y a pas de base politique pour une telle décision, et que cela renforcerait le sentiment de dépossession. Mais parce que cela supposerait des étapes vraiment politiques, une vraie démocratie européenne, qui n’a pas de sens en l’absence de peuple européen et de vie politique pan-européenne.

Certes on a raison de le souligner, la zone euro fait face à un dilemme. Ce n’est pas une zone monétaire naturelle, et la monnaie commune, identique partout, s’y surimpose à des réalités très hétérogènes. Techniquement on peut donc comprendre la logique des appels à un budget fédéral avec politique économique unique et transferts massifs. Mais outre à nouveau le manque total de base politique, ainsi que les divergences profondes sur le politique à mener (ainsi entre Français et Allemands) croit-on réaliste de centraliser en les arrachant aux budgets nationaux les 10 à 15 % du PNB qui seuls rendraient ce budget européen significatif ? Et même si on y arrivait, cela ne ferait que transformer l’Europe du Sud en une nouvelle Allemagne de l’Est ou un nouveau Mezzogiorno, assistés et stagnants. Sans d’ailleurs résoudre le problème des populations concernés : dans un état fédéral les populations doivent bouger pour s’adapter ; or l’émigration n’a pas le même sens à l’intérieur d’un pays, d’un vrai peuple, et entre la Grèce et l’Allemagne.

Réformer l’Union pour en faire une union d’Etats et chercher les domaines de coopération positive

Que faire alors ? En un sens le principal défaut du Brexit c’est de faire sortir de l’Union un des peuples les plus sensibles à sa souveraineté : c’est bien dommage. De ce point de vue les Britanniques ont montré leurs limites : ils ont réglé leur cas, de façon assez expéditive, plutôt que contribué à la réforme de l’ensemble (comme je l’avais relevé en février dans un autre article). Mais c’était peut-être inévitable vu la rigidité du système et de ses dogmes. Il suffit de voir par exemple comment les 27 martèlent leur attachement absolu à la libre circulation des personnes pour conditionner le futur accord à négocier avec le Royaume-Uni : c’est le contraire de ce qu’il faudrait faire.

Ce qu’il faut c’est évidemment prendre en compte la réalité, et réformer les traités, qui sont la génétique de l’Union actuelle : c’est à la fois un marché unique aussi radical que possible, et une utopie pseudo-fédéraliste (ce que les traités appellent une « union toujours plus étroite »). Il faut donc revenir à la formule confédérale d’une Union d’états à géométrie variable. Et bien entendu bloquer toute nouvelle entrée de non-européens, et en premier lieu de la Turquie.

En revanche il serait également indispensable de positiver des zones de coopération nouvelles, notamment en matière industrielle, scientifique et culturelle, qui apportent réellement quelque chose.
















































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