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Changer le débat politique, changer nos priorités collectives


vendredi 18 octobre 2013









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Notre vie politique patine et devient chaque jour plus stérile. La solution à tous les dilemmes sociaux depuis 40 ans, c’était la croissance. Quand il y en a eu moins ce fut la fuite en avant de la dette publique, avec tous ses risques. Or maintenant cela ne marche plus : il y aura peu de croissance, et elle sera spontanément très inégale ; quant au crédit on a trop tiré sur la corde, c’est fini. Il faut donc manifestement changer d’orientation et proposer autre chose au peuple français. Et pour cela regarder la réalité en face.

Une des dimensions les plus stériles du débat actuel est l’opposition entre les partisans de la compétition et de la rigueur, qui sont comprises comme réduction massive de la solidarité, et les partisans d’une forme de moralité se voulant solidaire, comprise comme maintien ou renforcement du système social et étatique actuel. Cette opposition est stérile. En réalité il faut repenser ces deux termes pour les combiner autrement, et cela tant en termes d’efficacité que de vraie moralité. Pour cela je propose les points de repère suivants.

Le premier impératif est de donner plus d’autonomie et d’initiative aux personnes, à travers leurs cadres d’action principaux : entreprise, école et famille en priorité. Au niveau de l’entreprise cela signifie une plus grande liberté d’entreprendre, et une plus grande souplesse dans les conditions d’emploi. Cela signifie aussi sur le plan fiscal un encouragement massif à la prise de risques, c’est-à-dire aux fonds propres par rapport à l’endettement ; non seulement par efficacité mais par simple justice. Nous avons dans notre pays toutes les ressources pour aller dans cette direction, ce n’est pas ce qui doit nous préoccuper le plus.

Ce qui doit préoccuper c’est que, en même temps, il faut répondre à l’inquiétude profonde que suscite la mondialisation, donc donner au citoyen le sentiment que même si notre pays y est immergé et que cela peut entraîner des contraintes et des secousses, d’une part c’est une opportunité, et d’autre part la société s’organise pour qu’autant que possible personne ne soit laissé à côté du chemin. Il ne s’agit pas d’être dupe des modalités de cette mondialisation ; il faut évidemment être conscient de ses limites et se protéger quand c’est nécessaire. Mais la fermeture est une impasse. Et donc il importe que collectivement on prenne bien plus systématiquement en charge ses victimes, et notamment, de façon décentralisée c’est-à-dire subsidiaire, la reconversion de ceux qui se trouvent dans une phase difficile ou perdent leur perspective de travail. Or les moyens dont on dispose sont limités. Il faut donc redéployer la solidarité, et à tous les niveaux. A commencer par l’entreprise, qui doit considérer qu’embaucher c’est prendre en charge des personnes (même si elle sait qu’elle peut devoir un jour s’en séparer) et non acheter une force de travail. Mais bien sûr la solidarité dépasse largement ce seul niveau, qui est soumis en outre à la concurrence ; elle suppose ensuite une aide associative (dont on sous-estime le rôle possible). Et enfin aussi comme on le sait, en dernière analyse, des moyens publics.

Parallèlement il faut reconnaître que ceux-ci ont atteint une limite quantitative, ou plutôt l’ont dépassée. Et il est désormais clair que l’endettement public est une voie sans issue, en fait une drogue permettant de reporter sur les générations futures la consommation présente (sauf si cette dette finance des investissements générant la possibilité de leur remboursement, mais c’est rare). Dès lors, ou on finance les dépenses publiques par l’impôt, ou on les supprime.

A la charnière de ces deux observations il faut admettre que l’Etat-providence et plus généralement notre système public, qui grossit chaque année, non seulement dépasse massivement nos moyens mais n’est pas justifié dans toute une partie de ses activités, et surtout ne l’est même pas moralement. Il doit donc être significativement redimensionné et réorienté pour pouvoir assurer ses vraies missions de solidarité. Notamment :

  L’école doit être remise à l’initiative des parents et des municipalités (avec un système de chèque éducation) ; non pas remise au secteur commercial, mais réappropriée par les citoyens, sur un mode désintéressé, plus efficace et moins coûteux (initiative privée, associative ou communale) et surtout bien plus porteur de sens : qui a vu ce qu’est une école fruit d’une vraie initiative de la base sait de quoi je parle (on est alors bien sûr dans le hors contrat) ; l’éducation nationale comme Armée rouge, ce n’est plus possible ;

  L’assurance maladie ne doit couvrir que la prévention et les maladies graves ; cela peut surprendre mais un peu de réflexion montre que c’est le bon sens ;

  Les retraites doivent passer sur un système par points, le seul équitable, avec recul de l’âge de la retraite et surtout un avantage clair aux personnes ayant élevé des enfants car ce sont eux qui payent ces retraites. Plus un complément en capitalisation investi dans les fonds propres des entreprises, qui elles aussi préparent de quoi payer ces retraites.

Le tout restant principalement à un niveau national, car c’est le seul approprié pour articuler une véritable solidarité. Ce qui veut dire que si l’Europe a sa place, c’est comme coopérative d’Etats, de nations, et non comme entité fédérale : tout ce qui prétend bâtir un tel niveau fédéral crée une superstructure qui échappe inévitablement aux citoyens, puisqu’il n’y a pas de peuple européen. Et tout transfert de ce type est alors un facteur de déchirure sociale.

Dans tout ce mixte de réflexions on aura reconnu le couple catholique subsidiarité – solidarité. Subsidiarité : prendre ses affaires en mains, en étant aidé pour ce faire par en-haut mais uniquement quand cela apporte quelque chose. Solidarité : le tout en intégrant le souci de l’autre, et le partage avec ceux qui sont dans le besoin.

Tout ceci représente un changement en profondeur de l’orientation et du regard. Ce qui implique que l’action immédiate (électorale) rencontrera des limites importantes tant que la vision commune n’aura pas suffisamment changé. Ce qui suppose à son tour un travail important et sans doute largement préalable, d’élaboration et de diffusion d’idées, appuyé autant que nécessaire par des témoignages actifs et des exemples. Cette action éducative prime à mon sens sur l’action directement électorale, au moins dans le contexte actuel.

(Développé d’après une intervention au colloque « Catholiques en action » d’Ichtus les 12 et 13 octobre 2013).


















































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