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Nouvelle moisson de scandales financiers : tirer les vraies leçons.


mardi 17 juillet 2012









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Deux nouvelles affaires viennent de jeter un jour cru sur l’irresponsabilité ordinaire d’une partie du monde de la finance. Des affaires réellement énormes, choquantes.

Encore faut-il en tirer les bonnes leçons. Loin de mettre en question le principe même du marché, elles nous rappellent ce qu’est un vrai marché : les règles à respecter pour qu’un marché soit un vrai marché, honnête et utile, moralement et techniquement.

La première affaire est la tricherie sur le Libor, au centre de laquelle est la banque britannique Barclays. Le Libor est supposé être le taux auquel les banques se prêtent au jour le jour en dollars –plus exactement, le taux moyen offert. Ce taux sert de référence à des millions de transactions ; ce qui veut dire que des millions d’institutions ou de personnes payent ou encaissent sur cette base. Si le taux est truqué parce que basé sur des informations fausses, cela veut dire que des millions de personnes physiques ou morales reçoivent ou payent trop ou trop peu. C’est apparemment le cas ; c’est donc gravissime.

L’autre est l’énorme perte enregistrée dans le placement de sa trésorerie par la banque américaine géante JP Morgan : pas loin de 6 milliards à ce jour. Cet argent avait été mis dans des instruments de marchés (dérivés) complexes, tellement complexes que le prix réel de ces instruments était effectué par des modèles mathématiques - eux-mêmes très compliqués. Il semble que la direction ne savait pas exactement où elle en était et mesurait mal le risque réel couru par la banque. Or il s’agit d’une des banques supposées les plus compétentes en la matière. Si elle peut faire des erreurs pareilles dans le placement de son argent, cela signifie que le système n’est pas fiable. La aussi c’est gravissime.

Nous ne connaissons pas à ce stade toutes les données techniques ou juridiques de ces deux affaires. Mais ce qu’on en sait met en évidence de graves défauts de fonctionnement, qui comme c’est fréquent en finance, sont en même temps techniques et moraux. Mais pas toujours là où on le dit communément.

Ce qu’on voit d’emblée ce sont les agissements des opérateurs concernés. Les uns ont menti ou triché dans des déclarations aux conséquences considérables. Les autres ont soit manipulé les modèles, soit présumé de leurs forces dans la capacité de ces modèles, et sans doute mal estimé le comportement de certains marchés ésotériques. Dans les deux cas ces opérateurs ont été irresponsables ; à ce titre leur moralité est directement engagée. Car le premier fondement de la morale, c’est la responsabilité de ses actes. Si donc ces faits sont avérés, ils méritent une punition sévère : des années en prison - comme tout escroc. La même remarque vaut pour leurs chefs - s’ils savaient. Et s’ils ne savaient pas, une sanction sévère pour le fait de ne pas avoir mis en place les dispositifs voulus, justement pour savoir. Et bien sûr, d’un point de vue moral cela met à nouveau en évidence les risques d’une culture collective matérialiste, où le succès matériel est la mesure universelle.

Ces considérations sont indiscutables. Mais il faut aller plus loin. Car contrairement à une idée reçue, ceci ne met pas en lumière les défauts du marché, mais tout au contraire l’utilité du marché, à la condition expresse que cela soit un vrai marché.

Un vrai marché est un lieu où une offre et une demande se rencontrent selon une confrontation optimale, permettant de dégager un prix clair et commun à tous. Donc où tous participent, et le plus transparent possible. Objectif et difficile à truquer.

Or que se passait-il dans les cas d’espèce ? Dans un cas, le Libor, on ne se basait pas sur des transactions réelles, mettant aux prises un grand nombre de participants : on se contentait des déclarations d’un petit nombre d’acteurs, que l’on ne confrontait pas aux transactions effectives. Non seulement cela ouvrait la porte aux manipulations, comme on le voit, mais le principe même était bizarre : un marché n’est pas une échange de vues sur un prix, c’est un lieu où on s’engage en payant ce prix, réellement : quand donc on annonce un prix à l’achat ou à la vente, c’est qu’on est disposé à payer effectivement ce prix ou à le recevoir. Un marché déclaratif est une aberration. Pourquoi a-t-on toléré cela ? Parce que la conception du marché a complètement dérapé depuis vingt à trente ans. N’importe quelle procédure supposée de confrontation, réelle ou pas, entre une poignée d’institutions oligarchiques et opaques est réputée être un marché.

Dans l’autre cas, celui de JP Morgan, il n’y a pas, sur les produits concernés, un grand marché transparent avec de nombreux intervenants. Le « marché » est opaque et dominé par un petit nombre d’institutions. Il y a des transactions certes, mais pas de façon continue et lisible. Résultat : d’un côté, le marché est peu fiable et souvent sporadique. D’un autre côté, les prix des instruments sont déterminés par des modèles mathématiques supposés mimer ce marché inexistant ou insuffisant. Résultat : quand on se trompe, on a des stocks d’instruments énormes qu’on ne sait plus vendre ou acheter à un prix correct et qu’on ne sait pas évaluer.

A vrai dire il n’y a rien là de bien nouveau. Ce que nous venons de décrire, c’est exactement ce qu’on avait vu en grand avec les fameux produits toxiques à l’origine de la crise de 2007-2008 : toutes ces titrisations ultra-complexes, bourrées de subprimes, étaient considérées constituer un vrai marché, avec un vrai prix de marché. Or en réalité il n’y avait pas de marché secondaire sur ces produits (des achats et des ventes réguliers). Ce qu’on appelait marché était le simple fait qu’on arrivait à les placer chez des investisseurs ou des banques à la faveur des notations d’agences intéressées pour ce faire. Et pour les évaluer, comme on n’avait pas vraiment de prix, on se basait là aussi sur des modèles mathématiques. Les mêmes défauts structurels, qui signalent un vice conceptuel sur ce qu’est un marché.

Il faut donc sortir de cette conception laxiste du marché. Un marché, encore une fois, ce sont de vraies transactions, dans une confrontation ouverte et transparente. Cela suppose des règles et une organisation, ainsi qu’une surveillance. C’est ce qu’on aurait dû avoir pour le Libor.

Certes il n’est pas toujours possible d’organiser un tel marché. Dans ce cas, on doit admettre qu’on n’a pas un vrai marché, et en tirer les conclusions. D’abord ne pas indexer des prix ou des valorisations réelles sur la base des indications qu’ils donnent de façon sporadique et donc non fiable. Ensuite reconnaître que dès lors ces transactions qui sont en fait bilatérales présentent des risques importants : il n’y a pas de liquidité et pas de vrais prix, en tout cas pas fiables. Ce qui implique des règles de précaution fortes : pour certains cela peut impliquer de ne pas s’y engager, pour d’autres, de façon limitée et avec plus de fonds propres et des financements plus longs.

Rien de tout cela ne dispense de l’effort nécessaire de moralisation au niveau des opérateurs, loin de là. Mais la moralité est aussi dans les institutions communes. Et la bonne santé morale des marchés est aussi une affaire d’organisation commune.

Moralité : la réforme des marchés reste en grande partie à faire. Non pas pour limiter les marchés en tant que tels. Mais au contraire pour se rapprocher de vrais marchés. Et éliminer les contrefaçons, trompeuses et dangereuses.

Référence

www.france5.fr/c-dans-l-air/economi...


















































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