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Communautarisme et immigration


mercredi 10 septembre 2014









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Communautarisme et immigration

Ce qu’en France on appelle communautarisme est la formation au sein d’une nation de sous-communautés ayant des références sociales, culturelles, religieuses ou ethniques fortes et distinctes du reste de la communauté nationale, leur permettant d’être une référence essentielle voire principale pour l’identité de leurs membres, et ordonnant de ce fait leur fonctionnement social et politique. Elles se mettent alors en concurrence avec la référence nationale, au moins dans certains domaines essentiels pour la vie commune. Dans la pratique, comme on sait la question du communautarisme se pose pour des populations originaires de cultures éloignées de la nationale et présentant une forte spécificité revendiquée. Cela n’a rien à voir avec ces communautés que sont les familles, régions, communes, professions etc., qui ne se situent pas sur le même terrain. Cela ne vise pas non plus la spécificité de parties de la population cultivant des affinités d’origine mais sans en faire un élément de structuration de leur vie collective et sans que cela remette en cause leur identification nationale. Ainsi les Irlandais ou Polonais aux Etats-Unis se sentent américains tout en cultivant sans inconvénient le sens de leurs origines.

On tend en France à faire une distinction majeure entre la situation française et un communautarisme anglo-saxon, terme par lequel on vise une propension supposée plus importante des autorités de ces pays à accepter une certaine reconnaissance de ces communautés, en matière juridique, scolaire, etc. Cette différence de traitement recouvre une certaine réalité. Mais ce qui est commun entre ces pays et des pays unitaires et formellement égalitaires comme la France est bien plus important ; c’est le fait de base de l’existence même de communautés ayant ces spécificités et vivant cela, autant que possible dans le pays d’accueil comme dans le pays de départ et en référence à lui, dans des sortes de ghettos volontaires. Elles tendent à refuser l’assimilation et même à rejeter l’identification au pays d’accueil, alors même que leurs membres en portent le passeport, votent et profitent de ses avantages. Ce sentiment est en outre fortement exacerbé par la diffusion d’un victimisme, puissamment entretenu par le discours masochiste dominant selon lequel la France est responsable de tous leurs maux.

Une telle évolution pose un problème de fond. L’existence de telles sous-communautés est compatible avec des systèmes autoritaires ou impériaux, qui ne supposent pas l’homogénéité de la population qu’ils assujettissent, moyennant attitude paisible des personnes concernées. Mais c’est contradictoire avec le principe d’une démocratie. Celle-ci suppose en effet que les élections se fassent sur la base d’options sur lesquelles on vote, et donc au sein d’une population suffisamment cohérente et homogène pour que la minorité accepte la loi de la majorité comme représentative d’un peuple auquel tous s’identifient. Si ce n’est pas le cas, soit on appartient à la communauté minoritaire en question et on tend à ne pas tenir la majorité pour légitime – puisqu’elle appartient à un autre peuple ; soit on fait partie de ce peuple en soi majoritaire, et on jugera suspecte une majorité si elle est obtenue avec les votes de la communauté allogène en question. D’autant que ladite communauté peut influer sur le vote sans se sentir liée par lui. Cela finira par bloquer le système. Et à ce moment-là la démocratie sera remise en cause.

De ce point de vue l’évolution est préoccupante. Si l’approche anglo-saxonne n’est pas convaincante, la française ne l’est pas plus. Elle a même plusieurs inconvénients propres. Le fait d’abord de ne pas poser clairement le principe qu’une communauté nationale suppose une minimum de références communes aboutit à accorder la nationalité de façon indiscriminée et sans véritable exigence, notamment d’une volonté claire et sincère d’adhésion. Cela ne posait pas de problèmes autrefois avec des populations qui soit s’assimilaient, soit repartaient (rappelons que la majorité des migrants européens est retournée chez elle, seule une minorité est restée mais alors avec un choix clair d’assimilation). Mais on ne peut pas accepter que des gens profitent du système et votent sans se sentir solidaires, tout en s’identifiant avec un pays d’origine plus ou moins mythifié.

Une autre erreur de perspective typiquement française est de tout juger à travers le prisme officiel consistant à confondre l’identité nationale avec la République, les Droits de l’Homme, la laïcité etc. Or, outre les limites de ces concepts, ce qui fait la France n’est pas ces principes, qui sont d’ailleurs revendiqués par un très grand nombre d’autres pays ; c’est un peuple concret : une histoire, une culture, une langue, des mœurs etc. En outre cela conduit à mal poser les problèmes. On le voit notamment avec la question de la laïcité, qu’on brandit alors qu’on ne veut lutter que contre certaines pratiques musulmanes, lesquelles posent problème non parce que religieuses, mais parce qu’elles impliquent des attitudes jugées inacceptables dans la communauté nationale. L’exemple évident est celles visant le comportement public des femmes. Porter un voile complet n’a pas le même sens que porter un signe vraiment religieux au sens étroit du mot. C’est rappeler avec force qu’on appartient à une communauté différente, et que cette communauté voit autrement la femme. Mais en s’en prenant aux signes religieux sans précision, on agresse les autres citoyens sur ce qui est un droit élémentaire : manifester sa religion, ce qui est aussi respectable que n’importe quelle manifestation d’opinion ; et on n’envoie pas le bon message ni ne pose les vraies questions. Celles-ci portent d’une part sur l’appartenance nationale, et d’autre part sur les questions spécifiques que pose l’Islam.

L’Islam est en effet une religion qui tend à poser des problèmes politiques tout à fait particuliers. C’est la seule religion qui dans son expression traditionnelle exalte la conquête et l’a pratiquée activement pendant toute son histoire. C’est aussi la seule religion qui incorpore dans la loi religieuse un véritable code civil. C’est enfin la seule religion qui considère que l’affiliation principale de quelqu’un est la communauté, musulmane. Il est donc légitime de demander si elle est en l’état compatible sur une échelle significative avec l’appartenance à une autre communauté politique. Ou au minimum il est légitime de demander des garanties sur ce plan à ceux qui la pratiquent chez vous. D’où la question, pas facile il est vrai : comment l’Islam peut-il se réformer pour être compatible avec des pays occidentaux, qu’on comprenne ce terme au sens de leur tradition principalement chrétienne, ou au sens de leur réalité actuelle ?

Plus généralement il faudrait poser clairement le principe de l’assimilation des immigrants à la communauté nationale. S’assimiler n’implique pas de reprendre telles quelles toutes les habitudes et dominantes locales, mais de s’intégrer et s’identifier clairement et activement avec cette communauté et d’adopter des mœurs compatibles avec cette intégration. En d’autres termes il faut qu’ils choisissent clairement. Ce choix doit être celui des parents plus que des jeunes, certes plus ou moins agités mais qui sont trop souvent éduqués par leurs parents dans cette culture du ghetto et du refus. Simultanément il faut tirer les conséquences de cette exigence d’intégration, sur l’immigration, sur l’école, et sur la politique à l’égard de l’Islam. Mais aussi bien sûr sur la nationalité, qui ne doit pas être automatique mais assumée et comporter des exigences. Faute de quoi la déchéance de nationalité s’impose. Ceci dit je vois bien les limites du terme d’identité, dont il ne faut pas abuser. La notion d’identité, relativement récente, est imprécise et trompeuse. C’est une façon parfois maladroite de désigner un patrimoine commun à un groupe ou plutôt une communauté, la solidarité que cela implique entre ses membres, et leur mission de poursuivre et développer ces éléments communs. Mais la connotation du mot ‘identité’ est étriquée : en l’utilisant, on paraît définir normativement ce que sont en eux-mêmes les membres de ce groupe. Ce qui est à la fois trop ambitieux et trop réducteur. La question est essentiellement de ce qu’on a à dire et à faire, étant entendu que parmi ces devoirs il y a le maintien et l’approfondissement d’un patrimoine commun et donc d’une tradition, et leur mise en œuvre pratique. Dans le cas d’une nation, il s’agit à la fois d’un ensemble d’éléments qui servent de repères au vivre-ensemble de cette nation, l’explicitent et l’éclairent, d’éléments culturels qui sont la contribution propre de cette nation à l’universel, notamment la langue, la culture et la façon dont elle intègre le patrimoine universel. Car contrairement à ce que pense l’idéologie dominante, une communauté politique a un besoin vital de ces repères communs, et une démocratie plus que tout autre. Et pour en revenir à nos immigrés, ce n’est que dans la reconstruction d’une référence positive et porteuse de sens que se trouve la possibilité de leur proposer une forme d’intégration. Pas en leur envoyant des soixante-huitards attardés ou les missionnaires de la théorie du gender.


















































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