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Communauté nationale : la querelle des prénoms


lundi 24 septembre 2018









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La querelle télévisée entre E. Zemmour et H. Sy a enflammé les réseaux sociaux. L’une s’offense qu’on critique son prénom sénégalais, l’autre lui recommande un prénom plus français. Querelle de prénoms ou symptôme plus profond ? Au-delà des questions de personnes, la question posée est au fond celle de la communauté nationale.

Bien des gens de nos jours tendent à penser que la tolérance est la vertu suprême et qu’en son nom tout est possible, sauf crime et délit. Dans une telle perspective une communauté comme la nation est un pur fait juridique sans aucune implication ni en termes de fidélité, ni en termes de culture. Vous êtes français tout comme vous êtes propriétaire d’un studio ou d’une voiture : c’est un droit qui vous est reconnu par la loi. L’ennui est qu’une appartenance nationale est bien autre chose. Car en termes concrets c’est le fait d’être de tel ou tel pays qui dans une large mesure fait ce que vous êtes dans la communauté humaine.

Au niveau matériel d’abord. A notre époque, l’appartenance nationale joue un rôle décisif dans le statut économique et social des personnes. Le fait est que la situation sociale et économique de la majorité des gens dépend de leur nationalité bien plus que de leur compétitivité propre. Sinon toutes les personnes effectuant la même tâche sur la planète seraient rémunérées de la même manière. Dès lors, l’huissier ou la femme de ménage, l’artisan, l’épicier ou le coiffeur français seraient payés comme leur homologue chinois ou indien. Or ils gagnent massivement plus, directement ou non. Certes ils peuvent avoir un savoir-faire meilleur, mais cela n’explique pas la différence. En bref, votre position économique et sociale dépend directement de votre communauté nationale d’appartenance.

Au niveau de votre sécurité personnelle ensuite. Si vous êtes à l’étranger, et qu’il vous arrive des ennuis, c’est votre consul qui peut vous défendre. La position d’apatride est si peu protectrice qu’en Europe il est interdit de créer des apatrides en privant quelqu’un de sa nationalité s’il n’en a qu’une. Au niveau de votre sécurité collective ensuite. Ce qui fait que dans le pays règne un certain ordre, une certaine paix, une certaine culture, résulte du fait que des personnes, les nationaux, non seulement payent des gens spécialisés pour assurer cet ordre, mais acceptent dans des circonstances extrêmes de donner leur vie pour cette communauté.

Au niveau culturel justement, cela veut dire qu’un certain patrimoine de culture, particulier à cette nation, est reçu et cultivé pour être transmis, et qu’il fournit la base à l’identification collective des personnes membres de cette nation. Car pourquoi diable devrais-je être solidaire d’autres personnes au point non seulement de payer des impôts et taxes considérables, mais de respecter des lois communes, d’être mobilisable le cas échant, et plus généralement d’être solidaire, si la seule chose que j’ai en commun avec eux est une pure convention juridique ? Le patriotisme suppose une communauté, et une communauté suppose une forme d’identification mutuelle ; un patriotisme purement constitutionnel comme le rêve le penseur allemand Habermas est une pure illusion. De même une supposée nation multiculturelle est un rêve pur.

Bien sûr il y a des étrangers présents sur le territoire national qui profitent de cet état de fait. Mais s’il n’y avait pas la nation et les nationaux, ils n’auraient rien de tels. Selon les cas, ce sont des hôtes - à traiter avec respect, ou des passagers clandestins - à traiter sans ménagement. Mais ce ne sont pas eux qui font qu’il y a une maison commune.

C’est encore plus vrai de la démocratie. Elle a besoin d’une communauté nationale solide et cohérente, car il lui faut un peuple : déjà toute vie commune dans une entité politique suppose une amitié minimale, des liens assurant une cohésion vécue et assumée. Mais pour que j’accepte les résultats d’un vote majoritaire, notamment s’il ne me plaît pas, il faut plus encore : une identification mutuelle forte, qu’à eux seuls le vote et les procédures ne donnent pas, et qui est normalement nationale. La démocratie sans nation homogène sauf cas exceptionnel n’existe pas. En revanche le principe national peut être fort sans qu’une démocratie formelle existe. La Chine le montre amplement.

Bien sûr il y a d’autres formes politiques que la nation ou la démocratie. Dans une empire ce problème a bien moins d’importance. Le souverain, monarchique ou communiste, peut s’accommoder d’une grande diversité puisque la base de son pouvoir n’est pas là. Même si une nation particulière est en général à la base de ce pouvoir, la présence de gens appartenant à d’autres traditions nationales ou culturelles ne le gêne pas, tant qu’ils restent tranquilles. Pas dans une nation à l’occidentale, et encore moins dans une démocratie.

Et donc si vous voulez une société multiculturelle, à long terme vous devez abandonner la démocratie.

De ce point de vue, dans un contexte comme le nôtre où des populations nombreuses sont bien décidées à garder leur personnalité culturelle et leur loyauté d’origine, le supposé droit du sol est une aberration. Donnant d’office le droit plein à être citoyen du seul fait qu’one est né sur le sol du pays, il détruit à terme ce qui fait la communauté nationale.

Et les prénoms alors ? Justement. Noms et prénoms sont des éléments d’identification personnels essentiels. On peut évidemment être souple au nom de la liberté personnelle ; mais la liberté suppose la responsabilité. Il est déjà aberrant qu’on laisse maintenant des parents irresponsables affubler de pauvres bambins sans défense de prénoms bricolés ou trouvés dans des pochettes surprises. Mais avec les prénoms ethniques on a autre chose : c’est l’affirmation que ma loyauté, et potentiellement celle du nouveau-né, sont à mon pays de départ, et que j’ai l’intention de me constituer en communauté ethnique distincte. En bref, ils annoncent publiquement à quelle communauté j’appartiens ; et ce n’est pas celle où je vis et qui me fait vivre. A faible dose cela ne pose pas de problème. Si je reste étranger aussi. Pas si dans le même mouvement et au nom du droit du sol je prends la nationalité du cru, et avec beaucoup d’autres, car alors cela devient du communautarisme. A un moment il faut choisir.

C’est ce que la culture dominante refuse. Ce qui fait que bien des gens ont été sincèrement ulcérés des propos de Zemmour. Peu importe ici s’il était bien inspiré ou courtois de les tenir : sur le fond il soulève un vrai problème. Celui des prénoms certes. Mais derrière lui, celui de l’émotion suscitée par ses propos, qui en dit long sur la perte du sens de la communauté nationale qui affecte de plus en plus de gens. Du moins en Europe occidentale car le reste de la planète en est assez peu affecté : le patriotisme y reste une évidence. Assis sur une branche, ils se sont persuadés que la vertu suprême de l’époque, la tolérance, ou plutôt le relativisme, leur fait un devoir de nier la spécificité de cette branche et le besoin vital qu’ils ont de sa solidité. Ils veulent même en rajouter dans la diversité. Encore un effort camarades ! Mais au bout du chemin c’est la chute.

Vous êtes sans doute bien intentionnés, mais le sursaut contre vos rêveries devient urgent. Dans votre propre intérêt.


















































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