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Entreprises, marché et finance dans ’Laudato si’ : une appréciation bien négative


mardi 28 juillet 2015









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Entreprises, marché et finance dans Laudato si : une appréciation bien négative

L’encyclique Laudato si du pape François est un texte remarquable, porteur de messages essentiels. Notamment le rappel de la responsabilité majeure que nous avons par rapport à la vie qui nous entoure et aux équilibres menacés de notre planète, et donc la nécessaire conversion personnelle et collective. L’urgence de la situation des pauvres. Le besoin d’une vision unifiée de l’homme et de sa place. En bref l’idée de maison commune. Les critiques que certains ont pu lui faire sur ces plans, notamment aux Etats-Unis, ainsi que l’idée qu’il y aurait là une rupture doctrinale au sein de l’Eglise se trompent donc de cible et devraient plutôt entendre l’appel à ce qui est un véritable examen de conscience.

Il reste cependant dans ces réactions un aspect indiscutable, qui est l’appréciation négative que fait l’encyclique de tout ce qui est entreprise, finance et marché. Le pape François ne semble pas beaucoup apprécier ces réalités, qu’il n’évoque que négativement. Nous nous sommes livrés à un relevé exhaustif des passages de Laudato si qui évoquent les entreprises, la finance, le marché ou toute forme de calcul financier : comme on le verra, les appréciations qu’elle porte sur leur rôle sont toutes négatives et souvent abruptes. Les maux qui sont dénoncés à leur sujet sont bien sûr réels ; mais le texte n’ouvre pas de perspective d’utilisation positive possible de ces réalités pourtant essentielles. Voyons cela de plus près.

L’intervention toujours malfaisante des entreprises

Prenons déjà l’intervention à un titre quelconque des entreprises (et surtout des grandes). Au 38 : sur « ces poumons de la planète pleins de biodiversité que sont l’Amazonie et le bassin du fleuve Congo », il est dit qu’« on ne peut pas non plus ignorer les énormes intérêts économiques internationaux qui, sous prétexte de les sauvegarder, peuvent porter atteinte aux souverainetés nationales. De fait, il existe ‘des propositions d’internationalisation de l’Amazonie, qui servent uniquement des intérêts économiques des corporations transnationales’". De même au 54 « la soumission de la politique à la technologie et aux finances se révèle dans l’échec des Sommets mondiaux sur l’environnement. Il y a trop d’intérêts particuliers, et très facilement l’intérêt économique arrive à prévaloir sur le bien commun et à manipuler l’information pour ne pas voir affectés ses projets. En ce sens, le Document d’Aparecida réclame que ‘dans les interventions sur les ressources naturelles ne prédominent pas les intérêts des groupes économiques qui ravagent déraisonnablement les sources de la vie’ » [1]. De même encore sur le problème de l’eau au 30 : « tandis que la qualité de l’eau disponible se détériore constamment, il y a une tendance croissante, à certains endroits, à privatiser cette ressource limitée, transformée en marchandise sujette aux lois du marché. En réalité, l’accès à l’eau potable et sûre est un droit humain primordial, fondamental et universel etc. ». Et au 31 : « il est prévisible que le contrôle de l’eau par de grandes entreprises mondiales deviendra l’une des principales sources de conflits de ce siècle ». Et le seul moyen d’action évoqué sur les entreprises est la pression - comme dit le 206 dont nous reparlerons.

Leur action écrase les petits producteurs : au 129, « les économies d’échelle, spécialement dans le secteur agricole, finissent par forcer les petits agriculteurs à vendre leurs terres ou à abandonner leurs cultures traditionnelles. Les tentatives de certains pour développer d’autres formes de production plus diversifiées finissent par être vaines en raison des difficultés pour entrer sur les marchés régionaux et globaux, ou parce que l’infrastructure de vente et de transport est au service des grandes entreprises. » Et cela peut même devenir mafieux. Ainsi au 197 « si l’État ne joue pas son rôle dans une région, certains groupes économiques peuvent apparaître comme des bienfaiteurs et s’approprier le pouvoir réel, se sentant autorisés à ne pas respecter certaines normes, jusqu’à donner lieu à diverses formes de criminalité organisée, de traite de personnes, de narcotrafic, et de violence, très difficiles à éradiquer. »

La question ne peut que fuser : tout cela existe bien sûr, et comment ! Mais l’entreprise se réduit-elle vraiment à cela ? Si elle existe c’est qu’elle a d’abord une fonction positive, à laquelle il faut absolument faire appel pour corriger ces déviations.

L’emprise pernicieuse de la finance

Il en est de même de la finance. Dès que le mot apparaît c’est pour dénoncer son influence nocive. Au 34, portant sur les efforts des scientifiques et des techniciens, « louables et parfois admirables » on note que « ce niveau d’intervention humaine, fréquemment au service des finances et du consumérisme, fait que la terre où nous vivons devient en réalité moins riche et moins belle etc. » Ou au 57 : « une plus grande attention est requise de la part de la politique pour prévenir et pour s’attaquer aux causes qui peuvent provoquer de nouveaux conflits. Mais c’est le pouvoir lié aux secteurs financiers qui résiste le plus à cet effort. » Et d’ailleurs (au 109) « les finances étouffent l’économie réelle. Les leçons de la crise financière mondiale n’ont pas été retenues, et on prend en compte les leçons de la détérioration de l’environnement avec beaucoup de lenteur ».

Plus encore, au 189 une analyse à l’emporte-pièce en blanc et noir : « sauver les banques à tout prix, en en faisant payer le prix à la population, sans la ferme décision de revoir et de réformer le système dans son ensemble, réaffirme une emprise absolue des finances qui n’a pas d’avenir et qui pourra seulement générer de nouvelles crises après une longue, coûteuse et apparente guérison. La crise financière de 2007-2008 était une occasion pour le développement d’une nouvelle économie plus attentive aux principes éthiques, et pour une nouvelle régulation de l’activité financière spéculative et de la richesse fictive. Mais il n’y a pas eu de réaction qui aurait conduit à repenser les critères obsolètes qui continuent à régir le monde. » [2] L’analyse de la crise est pour le moins simplifiée. Oui pour l’éthique, mais peut-on dire qu’il n’y a pas eu de nouvelle régulation ? Et peut-on tout ramener à une entité unique, la finance, sans plus de procès ? Y a-t-il une bonne finance ? Laquelle ?

Haro sur le marché

Tout ceci a une influence majeure sur le débat collectif. Cela vise d’abord le marché. Le pape dénonce à raison l’exaltation du marché, mais il tend à le concevoir comme une entité en soi, sans en analyser la nature. Au 56 : « pendant ce temps, les pouvoirs économiques continuent de justifier le système mondial actuel, où priment une spéculation et une recherche du revenu financier qui tendent à ignorer tout contexte, de même que les effets sur la dignité humaine et sur l’environnement. … Voilà pourquoi aujourd’hui ‘tout ce qui est fragile, comme l’environnement, reste sans défense par rapport aux intérêts du marché divinisé, transformés en règle absolue’ » [Evangelii gaudium]. Sachant que, au 203, « étant donné que le marché tend à créer un mécanisme consumériste compulsif pour placer ses produits, les personnes finissent par être submergées, dans une spirale d’achats et de dépenses inutiles. »

Les solutions basées sur le marché sont dès lors récusées radicalement et sans vraie explication ; au 171 le pape juge que « la stratégie d’achat et de vente de “crédits de carbone” peut donner lieu à une nouvelle forme de spéculation, et cela ne servirait pas à réduire l’émission globale des gaz polluants. Ce système semble être une solution rapide et facile, sous l’apparence d’un certain engagement pour l’environnement, mais qui n’implique, en aucune manière, de changement radical à la hauteur des circonstances. Au contraire, il peut devenir un expédient qui permet de soutenir la surconsommation de certains pays et secteurs. » C’est pourtant un dispositif recommandé par bien des artisans résolus d’une action sur le climat. Il aurait donc mérité un peu plus d’attention. Et pourquoi favoriserait-il la surconsommation ? Cela dépend évidemment du réglage, or il est à la main des Etats.

La difficulté commence par la manière même dont l’encyclique voit implicitement l’économie fonctionner, et notamment le rôle réel du marché. Un passage est intéressant à ce point de vue, le 206 (je mets en italiques les mots caractéristiques) : « un changement dans les styles de vie pourrait réussir à exercer une pression saine sur ceux qui détiennent le pouvoir politique, économique et social. C’est ce qui arrive quand les mouvements de consommateurs obtiennent qu’on n’achète plus certains produits, et deviennent ainsi efficaces pour modifier le comportement des entreprises, en les forçant à considérer l’impact environnemental et les modèles de production. C’est un fait, quand les habitudes de la société affectent le gain des entreprises, celles-ci se trouvent contraintes à produire autrement. » On fait pression, on force, on contraint. La réalité est qu’un changement de ce genre a simplement fait jouer le marché, dont c’est précisément le rôle de transmettre les évolutions des préférences des consommateurs, sans qu’il faille nécessairement voir cela comme une violence exercée sur des entreprises naturellement mal orientées moralement.

Et sur le calcul financier

Au-delà, c’est le calcul financier qui est mis en cause. Au 190 le texte rappelle qu’ « il faut toujours se rappeler que ‘la protection de l’environnement ne peut pas être assurée uniquement en fonction du calcul financier des coûts et des bénéfices. » Puis il affirme que « l’environnement fait partie de ces biens que les mécanismes du marché ne sont pas en mesure de défendre ou de promouvoir de façon adéquate’ ». A eux seuls certes, mais peuvent-ils concourir ? Non, dit l’encyclique parce que « une fois de plus, il faut éviter une conception magique du marché qui fait penser que les problèmes se résoudront tous seuls par l’accroissement des bénéfices des entreprises ou des individus. Est-il réaliste d’espérer que celui qui a l’obsession du bénéfice maximum s’attarde à penser aux effets environnementaux qu’il laissera aux prochaines générations ? Dans le schéma du gain il n’y a pas de place pour penser aux rythmes de la nature, à ses périodes de dégradation et de régénération, ni à la complexité des écosystèmes qui peuvent être gravement altérés par l’intervention humaine. ». Pas de place : la chose est entendue, en une phrase. Il est impossible au marché et au calcul financier d’intégrer quoi que ce soit sur ces données. On remarquera notamment l’identification totale faite ainsi entre le calcul financier en soi et la recherche du profit immédiat maximal. Et pourtant dit le 191, « si nous ne souffrons pas d’étroitesse de vue, nous pouvons découvrir que la diversification d’une production plus innovante, et ce avec un moindre impact sur l’environnement, peut être très rentable. » Mais si c’est rentable cela doit pouvoir être intégré dans le calcul. Fort heureusement, car on conçoit mal un système économique sans calcul.

Il n’est pas étonnant, dit le 194, que « dans ce cadre, le discours de la croissance durable devient souvent un moyen de distraction et de justification qui enferme les valeurs du discours écologique dans la logique des finances et de la technocratie ; la responsabilité sociale et environnementale des entreprises se réduit d’ordinaire à une série d’actions de marketing et d’image. » ‘Se réduit’ : cela laisserait penser qu’il pourrait en être autrement. Non nous dit le texte car, à nouveau, au 195, « le principe de la maximalisation du gain, qui tend à s’isoler de toute autre considération, est une distorsion conceptuelle de l’économie : si la production augmente, il importe peu que cela se fasse au prix des ressources futures ou de la santé de l’environnement ; si l’exploitation d’une forêt fait augmenter la production, personne ne mesure dans ce calcul la perte qu’impliquent la désertification du territoire, le dommage causé à la biodiversité ou l’augmentation de la pollution. Cela veut dire que les entreprises obtiennent des profits en calculant et en payant une part infime des coûts. Seul pourrait être considéré comme éthique un comportement dans lequel ‘les coûts économiques et sociaux dérivant de l’usage des ressources naturelles communes soient établis de façon transparente et soient entièrement supportés par ceux qui en jouissent et non par les autres populations ou par les générations futures’ » [Caritas in veritate]. C’est donc que ce calcul est possible. Ce n’est donc pas le calcul (financier) qui est ici en cause, mais ses modalités. Ce qui dépend largement des règles en vigueur, et des priorités des agents concernés.

Les perspectives ouvertes

Sur notre sujet, la seule phrase positive du texte même se trouve au 109. Elle est très générale : « l’activité d’entreprise, qui est une vocation noble orientée à produire de la richesse et à améliorer le monde pour tous, peut être une manière très féconde de promouvoir la région où elle installe ses projets ; surtout si on comprend que la création de postes de travail est une partie incontournable de son service du bien commun. » Mais en fait elle vise surtout les petits producteurs, comme le montre la phrase qui précède : « Pour qu’il y ait une liberté économique dont tous puissent effectivement bénéficier, il peut parfois être nécessaire de mettre des limites à ceux qui ont plus de moyens et de pouvoir financier. Une liberté économique seulement déclamée, tandis que les conditions réelles empêchent beaucoup de pouvoir y accéder concrètement et que l’accès au travail se détériore, devient un discours contradictoire qui déshonore la politique. L’activité d’entreprise etc. »

C’est en fait, in extremis, dans la prière, que se trouve le seul élément constructif pour notre propos, sous la forme d’un appel. Au 244, dans la Prière chrétienne avec la création, le pape nous invite à demander au Seigneur qu’Il « illumine les détenteurs du pouvoir et de l’argent pour qu’ils se gardent du péché de l’indifférence, aiment le bien commun, promeuvent les faibles, et prennent soin de ce monde que nous habitons. » Ce qui est très important. Cela suppose que ces détenteurs pourraient faire du bien… mais ce n’est pas dit dans le texte, ni comment.

On voit mieux le problème en examinant ce que propose concrètement l’encyclique. Elle évoque bien entendu des actions écologiques multiples (réduction des émissions, politique de l’eau, protection des espèces, lutte contre la pollution, recyclage etc.), sans entrer d’ailleurs dans le détail ce qui est logique. Au niveau des moyens, elle insiste justement sur la recherche et surtout sur l’analyse minutieuse de chaque projet comme des questions d’ensemble, de façon interdisciplinaire, avec consultation extensive des populations et communautés concernées. Mais on l’a vu il est régulièrement répété que l’analyse financière ou technique classique est insuffisante et par là trompeuse car ses critères sont trop étroits et biaisés puisque des dimensions essentielles ne sont pas prises en compte. Et si cette insuffisance vaut aussi bien pour les pouvoirs publics que pour les entreprises ou le marché, sauf que dans le deuxième cas elle est jugée incorrigible – si ce n’est par pression extérieure.

De grands espoirs sont en revanche mis par le pape dans une évolution culturelle en profondeur affectant l’ensemble des comportements, et se traduisant d’abord et surtout au niveau des bases, des individus et surtout des petites communautés, notamment marginales. Il y a dans l’encyclique une confiance ardente dans l’action de ces communautés et initiatives, notamment venant des marges. Le tout doit être au service d’une conception radicalement renouvelée, aboutissant au fond à ‘redéfinir le progrès’ – ce qui est présenté comme allant au-delà du développement durable. Ce qui est bien sûr juste en soi et constitue l’appel le plus important de l’encyclique. Comme tel il nous touche tous. Cela doit se traduire ensuite, dit notre texte, au niveau des politiques publiques, car elles ont malgré leurs limites et défaillances un rôle indispensable, notamment en termes de coordination d’ensemble, de réglementation et d’interdiction, et surtout pour toute l’action internationale, jugée essentielle tant en termes de solidarité que de règles communes. Ce qui est peu douteux. S’agissant en revanche des entreprises et du marché, la pression doit s’exercer comme on l’a vu - mais sur la base d’un pur rapport de forces.

Tout se passe donc comme si tout était attendu exclusivement de la transformation de la vision et de l’action au niveau de l’homme ordinaire, notamment des plus pauvres, se traduisant d’abord par des initiatives directes, et ensuite au niveau politique. Mais les mécanismes de l’économie eux sont considérés dangereux, parcellaires, mal orientés et échappant à toute utilisation alternative. Pourtant rien ne prouve que les pauvres, ou plus généralement l’homme ordinaire, soient toujours bien orientés par rapport aux exigences écologiques, tant s’en faut, encore moins que le salut ne viendra que d’eux. Inversement rien ne prouve que les entreprises, le marché et la finance, et leurs responsables soient à ce point irrécupérables.

Donner une place à l’entreprise et au marché

C’est ici la prière que nous avons citée qui donne une clef essentielle : comme elle le dit, beaucoup dépend effectivement des « détenteurs du pouvoir et de l’argent » (ce qui d’ailleurs ne se limite à mon sens pas aux puissants de ce monde, mais nous concerne presque tous, au moins dans les pays avancés) ; les valeurs et priorités qui les animent sont donc un enjeu essentiel.

En effet nous sommes dans une économie décentralisée, pour l’essentiel animée par des entreprises, elles-mêmes opérant dans un cadre régulé. En soi rappelons-le c’est un bien essentiel. Cela résulte directement de l’autonomie de la personne humaine et de sa capacité créatrice. Cela a d’ailleurs permis une amélioration sensible de la vie au moins matérielle de la majorité de l’humanité. Que de fait, soit sous l’influence d’idéologies erronées, soit par appât du gain ou volonté de puissance, soit pas mauvaise régulation, cela débouche très souvent et de ce fait massivement sur les maux dénoncés par le pape est incontestable. Mais l’entreprise, le marché ou la finance, fruits de l’initiative créative des personnes puis de leur confrontation active, ne se réduisent pas à ces maux, et certainement pas par nature. En outre, si on ne rend pas compte de la contribution déjà existante, qui est réelle et considérable, et surtout de la contribution possible de ces réalités essentielles et incontournables, et si on le leur donne pas un horizon d’amélioration et de transformation, on ne peut espérer une véritable amélioration de la situation.

De même pour la finance ou le calcul : s’il fallait récuser toute possibilité pour les entreprises et pour la finance d’intégrer d’autres éléments que le calcul brutal de l’intérêt monétaire maximal recherché par tous les moyens et à très court terme, ce serait au fond désespérant. Car cela voudrait dire que l’essentiel de ce qui sur la planète compte économiquement est intrinsèquement mal orienté. Comment alors les remplacer, et par quoi ? Des communautés de voisinage autogérées et pratiquant le troc ? Mais en fait cela repose sur un postulat exagérément pessimiste : il n’est pas évoqué l’idée que ces réalités ne se limitent pas à l’appât immédiat du gain, encore moins qu’elles puissent avoir des objectifs renouvelés et plus élaborés. Ni qu’un marché soit la confrontation d’êtres humains, ayant leurs priorités, selon des règles l’organisant, et que son résultat variera selon ces priorités et ces règles, comme le notait justement Caritas in veritate. Or les dirigeants de ces entreprises et leurs propriétaires (notamment sur le marché financier, c’est-à-dire en dernière analyse, à travers la gestion collective, la plupart des gens) sont des êtres humains et ne sont pas par nature fermés à toute considération autre que de pur gain immédiat. La conversion demandée à tous n’est certes pas facile, mais elle vaut pour eux aussi, et cela nous vise tous en tant qu’épargnants.

Dès lors, tant par modification des priorités personnelles et sociétales que par une organisation et une réglementation collective différentes, les entreprises et les marchés peuvent intégrer d’autres perspectives et d’autres données, d’où peut et doit découler une utilisation différente de mécanismes économiques essentiels et incontournables comme la liberté d’entreprendre, la formation des prix, l’expression des préférences sur le marché, le calcul même… Voire les modalités de recherche d’un juste profit, qui après tout ne fait que traduire le fait qu’on a consommé moins qu’on n’a produit : il faut intégrer dans cette considération le long terme et les ressources rares, oui bien sûr, mais sans renoncer à des outils aussi utiles, et à des réalités sociales aussi fondamentales. C’est ce qu’il nous incombe de développer.

Voir aussi : Intervention au colloque du 17 octobre 2015 de l’Association des économistes catholiques sur l’encyclique Laudato si et l’économie https://www.youtube.com/watch?v=3w_...

Notes

[1] Document d’Aparecida (29 juin 2007).

[2] Le texte poursuit, d’une façon elliptique qui aurait mérité un peu plus de précisions pour être vraiment clair : « La production n’est pas toujours rationnelle, et souvent elle est liée à des variables économiques qui fixent pour les produits une valeur qui ne correspond pas à leur valeur réelle. Cela conduit souvent à la surproduction de certaines marchandises, avec un impact inutile sur l’environnement qui, en même temps, porte préjudice à de nombreuses économies régionales [citation d’un texte de l’épiscopat mexicain]. La bulle financière est aussi, en général, une bulle productive. »


















































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