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Solidarité nationale et mondialisation


vendredi 4 mai 2012









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C’est la nationalité qui fait le statut économique d’une personne.

C’est le fait de base : la situation sociale et économique de la majorité des gens dépend désormais de leur nationalité bien plus que de leur compétitivité propre.

Pourtant nous sommes en économie mondialisée, au moins en partie importante. Or si la concurrence était pure et parfaite au niveau mondial, sans interférence politique ou sociale, c’est-à-dire sans facteur national, toutes les personnes effectuant la même tâche sur la planète seraient rémunérées de la même manière. Dès lors, l’huissier ou la femme de ménage français, l’artisan, l’épicier ou le coiffeur seraient payés de façon proche de leur homologue chinois ou indien. Or ils gagnent massivement plus, directement ou après redistribution publique. Certes ils peuvent avoir une formation ou un savoir-faire meilleurs que ceux de leur confère émergent, mais cela n’explique pas la différence. Leur positionnement économique réel, et donc, dans une société marchande, une bonne part de ce qui fait leur position sociale, dépend donc principalement de leur nationalité. Les canaux pour ce faire sont multiples : ce peut-être le stock accumulé de capital dans leur pays, la proximité physique de ces acteurs compétitifs, la redistribution fiscale ou sociale, des formes subsistantes de protectionnisme etc. Et naturellement cela suppose un noyau d’économie compétitive dans le pays. Mais le résultat est clair - et plus ou moins consciemment les gens le savent.

Si on était en économie fermée, en la supposant possible, la question serait différente. Il n’y aurait pas concurrence directe avec l’étranger ; et les politiques suivies en interne, notamment de redistribution des revenus, échapperaient en partie à la contrainte extérieure. On pourrait alors soutenir comme la gauche que la question de la classe sociale est prépondérante. Comme il se trouve que nous avons vécu il y a encore une génération dans une situation proche de celle-là, l’impression rétinienne subsiste et conduit à des raisonnements faux. Mais naturellement une telle fermeture hermétique est aujourd’hui plus que jamais impossible, ne serait-ce que du fait de tout ce qu’il nous faut acheter à l’étranger, et si on suivait cette voie notre niveau de vie global serait considérablement plus bas.

Il en résulte politiquement que l’appartenance nationale est désormais primordiale et que, dans l’ordre logique des facteurs, elle passe avant l’appartenance sociale. La vision marxiste (prolétaires de tous les pays, unissez-vous) a moins de sens que jamais ; elle est même devenue essentiellement fausse pour la plus grande partie des gens. Cela n’enlève pas sa valeur à la redistribution fiscale ou sociale, bien au contraire ; mais justement cette redistribution est nationale ; c’est le mécanisme par lequel la solidarité nationale s’exprime. Mais elle suppose que la nation ait de quoi partager, et donc qu’elle crée collectivement la richesse voulue. D’où à nouveau une nécessaire insertion dans l’économie mondiale, ce qui ne veut pas dire une foi naïve dans l’ouverture incontrôlée des frontières.

Parallèlement la mondialisation exerce une pression en sens inverse. D’une part grâce à elle une partie des nationaux (les mieux placés ou les mieux dotés) gagne ou espère gagner plus, et peut considérer la redistribution nationale comme un coût. C’est vrai notamment pour les grandes entreprises, une partie du secteur financier, les secteurs de pointe etc. Ce qui peut les pousser à se retirer de la communauté, par l’exil ou en poussant à la réduction des charges de solidarité. Et d’autre part nombreux sont ceux parmi les autres qui sentent le poids de la concurrence, par une dégradation de leur situation, particulièrement visible lors des délocalisations - ou si la solidarité est moins généreuse. Entre les deux enfin, de nombreux autres profitent de facteurs non liés à la compétitivité, par effet de proximité (du coiffeur ou du plombier à la banque de détail) ou par le jeu d’un pouvoir (secteur public). D’où des tensions permanentes.

On pourrait en conclure de façon pessimiste sur la communauté. En même temps pourtant elle subsiste et reste essentielle pour la plus grande partie des gens : l’intérêt y pousse d’abord, même pour les plus performants qui peuvent difficilement vivre sans pays de référence et de soutien ; le poids de l’Etat aussi ; mais autant, voire surtout, des motifs politiques, affectifs et culturels. Il en résulte que de façon générale, il est de l’intérêt de tous que cette communauté maintienne ou développe sa place dans le concert mondial, et donc que les compétitifs et les autres coopèrent au mieux.

Quelle communauté nationale ?

Une question essentielle dans ce contexte porte alors sur ce qui fonde cette solidarité nationale, ce qui constitue cette communauté, et ce qui peut la remettre en cause.

Il y a d’abord la question de l’immigration. C’est l’aspect le plus visible et le plus significatif dans le débat politique actuel : l’enjeu représenté par la composition de la population elle-même, nationale ou vivant sur son territoire. L’importance décisive de l’appartenance à une communauté ‘riche’ encourage fortement les mouvements de population, mais en même temps les rend malvenus pour la population déjà installée. A cela s’ajoute le fait que ces populations appartiennent désormais à des ensembles culturels très différents de ceux du pays d’arrivée. D’où la pression pour restreindre ces mouvements ; ce qui explique que les restrictions soient plus grandes en Europe, où la redistribution est plus forte et l’hétérogénéité avec les migrants plus grandes qu’ailleurs. D’où la montée du Front national. D’où aussi l’incompréhension que manifeste la gauche à l’égard de ces réalités, car son logiciel est incapable de l’intégrer. En même temps, étant le parti de la redistribution, cette gauche peut arriver à se maintenir électoralement, mais c’est de façon incohérente avec son idéologie et sans possibilité d’action efficace .

Ceci explique aussi une bonne partie des graves difficultés de l’Europe, notamment de la zone euro. Dans un tel contexte, elle n’aurait de sens que si elle était le lieu d’une redistribution massive. Mais la base politique n’existe pas pour cela, qui est la solidarité nationale, qui suppose un peuple : or il n’y a pas de peuple européen. Et même si c’était possible en théorie, la place est déjà prise, par la nation justement ; et il n’y a pas place pour deux redistributions. Ce que les Allemands ou les Français acceptent de redistribuer au sein de leur communauté nationale, ils ne le redistribueront pas au niveau de l’Europe. Ce qui ne retire pas tout rôle à l’Europe, mais le situe à son véritable niveau, qui est de coopération entre peuples ou nations.

Ceci dit, réduire la communauté nationale et la solidarité correspondante au simple fait de la nationalité et à l’intérêt matériel de la redistribution entre les nationaux n’est pas très réaliste. D’abord on l’a dit parce que la question centrale avant de distribuer est de disposer d’une base économique suffisante, ce qui suppose d’être compétitif en étant inséré dans une économie au moins en partie mondialisée, même si on redéfinit les modalités de cette insertion. Ensuite parce qu’en définitive ce qui fonde cette solidarité est le fait de partager des valeurs communes qui soient des références porteuses de sens ; elles peuvent alors être partagées à l’occasion avec des immigrés acceptant de s’intégrer dans une communauté qui vit ces valeurs et porte ce patrimoine. Mais pour véritablement fonder une communauté, il faut que ces valeurs fassent référence à un bien commun, reconnu objectivement comme bien, et repérable grâce à l’éclairage d’un patrimoine de références commun, une tradition nationale. Le relativisme ambiant ne permet pas de l’assurer : une véritable communauté ne peut être composée d’électeurs-consommateurs constamment insatisfaits et soucieux exclusivement de mener à leur gré un genre de vie jouissif et irresponsable - même s’il se drape dans une rhétorique démocratique, car alors les divergences d’intérêt évoquées ci-dessus l’emportent. Mais aucun des partis en lice n’a véritablement répondu à ces questions.

Communauté nationale et insertion mondiale

La prise en compte de ces réalités dessine l’horizon de la société : elle ne peut être qu’à la fois nationale et à ouverture mondiale, elle doit aussi être à la recherche d’un vrai bien commun, moralement fondé. Nationale, car c’est la seule forme de communauté solidaire viable aujourd’hui. A ouverture mondiale, car outre qu’une vraie civilisation est ouverte et rayonnante, c’est le seul moyen d’assurer de quoi maintenir cette cohésion, ne serait-ce que dans sa dimension matérielle. Mais à condition que cette solidarité soit orientée vers un bien commun objectif, sans quoi il n’y a plus de base pour une vie commune. La mesure dans laquelle sera réalisée la combinaison de ces trois dimensions est ce qui déterminera de façon décisive notre destin nécessairement commun. C’est donc là qu’est la tâche prioritaire.

En liaison avec Liberté Politique


















































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