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Chrétienté et démocratie


samedi 27 février 2010









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Petite introduction à Chrétienté et démocratie

Avec des extraits du livre

Pourquoi un livre sur la chrétienté et la démocratie ? C’est une réflexion sur le rapport entre notre héritage historique, la chrétienté, et le système politique légitime de notre temps, la démocratie. La démocratie moderne se veut neutre à l’égard de toute valeur autre qu’elle-même. Mais peut-on durablement fonder une société sur de simples règles du jeu, supposées permettre à chacun de se fabriquer ses « valeurs » ? Pas pour le chrétien, fort d’un message révélé, donc de valeurs objectives dépassant et éclairant les circonstances historiques de chaque époque. Et riche d’une expérience bimillénaire. Dans ce contexte, comment tirer les leçons du passé, s’orienter dans la phase ambiguë de relativisme que traverse l’humanité, et réenraciner ces valeurs ? Une réflexion historique, couplée avec l’analyse des bases de la modernité, peut aider à la réflexion et à la prise de conscience de chacun.

La thèse centrale de ce livre est le couplage de deux idées. L’une, que la source et la référence de toute valeur dépasse infiniment l’homme, puisque c’est en Dieu seul qu’en est l’origine et le fondement, même si la droite raison peut en saisir une grande partie. Sachant que la mise en œuvre politique de ces valeurs, dans des communautés composées de millions de volontés distinctes, libres, mais marquées par le péché, est nécessairement aléatoire, et suppose une bonne dose de la vertu de prudence. L’autre idée est que ceci se déroule dans l’histoire, processus d’exploration par l’humanité de phases successives sous l’œil de la Providence, où s’élabore mystérieusement le royaume de Dieu, mais sans que nous en maîtrisions le sens. Nous devons donc agir pour faire advenir ces sociétés fondées sur des valeurs chrétiennes qu’on appelle chrétienté. Tout en reconnaissant que nous ne saurions instaurer en ce monde le royaume, ni maîtriser les temps que seul le Père connaît.

À qui s’adresse-t-il ? A tous bien sûr. Mais plus encore pour ceux qui acceptent la voie éprouvante de l’action politique. La démarche du livre est historique, car seule la méditation de l’histoire nous donne la mesure de la tâche à accomplir. La chrétienté du Moyen Age a été malgré ses limites évidentes le creuset du développement ultérieur de notre civilisation. Cette foi commune a été pulvérisée par la montée de l’Etat, la passion révolutionnaire, et le relativisme qui les a suivis. La question est alors la suivante : comment pouvons-nous, chrétiens, activer ces ferments, sans lesquels une civilisation digne de ce nom n’est pas concevable ? Les matériaux que propose ce livre sont là pour y contribuer.

Plus précisément :

Pour l’occidental contemporain, la démocratie avec les droits de l’homme est la forme la plus achevée de la vie en société. Dans un monde mouvant et hétérogène, elle constitue la valeur de référence commune. La plupart des chrétiens se rallient à cette vision.

Cet état de fait pourrait pourtant leur poser question. Parce que le Royaume de Dieu n’est pas de ce monde, le chrétien sait que la politique n’est pas le domaine de l’idéal. C’est un terrain difficile, où il s’agit de faire au mieux, mais où rien n’est indiscutable, rien n’est certain, où il n’y a pas de réponse définitive. L’histoire du christianisme, que l’ouvrage rappelle dans ses grands traits, en témoigne : aucune époque, n’a jamais été qu’une étape dans une histoire jamais achevée, dans laquelle les rapports entre la sphère politique et l’Eglise ont été souvent bénéfiques, mais presque toujours difficiles, même si la fécondité historique de cette Chrétienté est éclatante, puisque la plupart des réalisations de notre civilisation ont leur origine dans cette période.

La démocratie moderne n’échappe pas à cette difficulté. C’est en outre un régime politique spécifique, qui s’est éloigné de la souveraineté directe du peuple, avec ses qualités et ses défauts. Mais elle y ajoute un problème supplémentaire. Dès ses origines elle a manifesté une profonde ambiguïté : d’un certain côté, elle n’échappe pas à une forme de révolte prométhéenne de l’homme européen, désireux de bâtir seul son futur sans référence à Dieu , ce qui est manifeste dès la Révolution, quelles que soient les intentions de ses promoteurs. Et de l’autre côté, elle est à la source d’une forme de vie politique adaptée à une société beaucoup plus complexe, fondée sur une conception de l’homme porteur de droits objectifs, participant actif à la vie de la cité. Le chrétien peut donc la comprendre de façon différente : soit, dans la tradition de l’Eglise, comme une forme possible de gouvernement, la plus légitime et la plus élaborée à notre époque du moins, respectueuse dans ses principes des droits de la personne humaine – s’ils sont compris au bon sens du terme. Soit au contraire comme une organisation du droit de chacun à affirmer son droit à bâtir sa vie et la société comme il l’entend, sans référence à des valeurs objectives, c’est-à-dire s’imposant à lui. Ce qui conduit à favoriser au mieux les désirs individuels quels qu’ils soient, du moment qu’ils sont supposés ne gêner personne. La même organisation, mais deux visages opposés. Si elle est comprise comme gouvernement légitime et civilisé de notre temps, fondé sur le respect de la personne humaine, elle ne se discute pas. Mais si au contraire elle est comprise comme l’organisation du droit de chacun à suivre son bon plaisir sous réserve du droit équivalent des autres, elle ne peut fonder le pacte social. Ces deux visions coexistent ; et, faut-il le dire, la seconde tend à prévaloir progressivement sur la première.

La longue histoire des démêlés de l’Eglise avec la démocratie moderne témoigne de la difficulté de la tâche qui est devant nous. Le chrétien ne peut y être indifférent. Il sait que le Bien ne relève pas de son bon plaisir, et donc qu’aucune société digne de ce nom ne peut se passer de la reconnaissance de valeurs morales, qui pour lui sont celles de l’Evangile. C’est en ce sens que les valeurs républicaines sont compatibles avec ces dernières. Le chrétien sait donc qu’il est vital pour une société de reconnaître ces valeurs essentielles, et, donc, idéalement, qu’elle s’en inspire. Tel est le sens que peut avoir le beau mot de chrétienté, cette civilisation de l’amour dont parlent les papes d’aujourd’hui.

Ce livre est à la fois un panorama historique, fondé sur la riche et contrastée expérience du christianisme, une réflexion sur l’histoire, et un instrument de réflexion face aux questions posées par notre époque. Son objectif est d’aider tout homme de bonne volonté à mieux discerner comment contribuer à notre avenir commun. Cela ne peut déboucher sur la foi dans une formule toute faite, fût-elle la démocratie et les droits de l’homme -trop ambiguë, trop manifestement création humaine. Et ce ne peut être non plus la croyance dans un sens lisible de l’histoire. Certes, nous pouvons aider à ce processus historique par lequel l’humanité explore ses possibilités et manifeste sa capacité de création. Mais nous ne serons pas plus proches de Dieu que ne l’étaient les apôtres, et de toutes façons nous ne connaissons ni le jour ni l’heure. L’histoire qui s’ouvre devant nous est plus que jamais ouverte.

Ce que nous savons en revanche, c’est que nous pouvons compter sur Celui qui connaît le sens ultime de cette exploration et celui de nos engagements, Celui surtout qui nous ouvre la vie éternelle. C’est cette confiance qu’il nous faut transmettre.

Novembre 2003

(publié initialement dans l’Homme nouveau et Evangile et Société)

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