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Crise de l’Eglise : restaurer la véritable autorité


samedi 15 juillet 2023









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J’avais souligné dans une précédent document l’ampleur des conséquences de l’effondrement quantitatif du catholicisme : « La démographie glaciale qui attend l’Eglise, et sa disparition de la scène publique » www.pierredelauzun.com/La-demograph....

Il s’en déduit comme une évidence que dans le meilleur des cas on aura dans trente ans, dans nos pays, une petite Eglise, ramassée sur quelques points de rassemblement : les villes d’une certaine taille et quelques centres spirituellement actifs (monastères ou autres). Avec un petit nombre de prêtres, mais corrélativement un petit nombre de fidèles. Le premier point a été souligné récemment par la baisse des ordination, qui ne cesse pas mais le second est tout aussi réel.

Ecartons ici une illusion progressiste répandue, qui est de croire qu’on peut avoir des communautés catholiques vivantes et ferventes sans prêtres. Outre qu’on les cherche, toutes les données montrent au contraire la baisse corrélative des deux. Pour une raison simple : en milieu catholique le prêtre est vital. Sacramentellement et hiérarchiquement.

Le protestantisme traditionnel ne fait d’ailleurs pas mieux. Restent certes les évangéliques, mais leur logique est profondément différente. Cela dit, là aussi, le rôle du pasteur est essentiel : la communauté n’existe pas sans eux, parfois même trop.

Or le débat qui est proposé aujourd’hui en contexte catholique est notablement différent : c’est la thématique de ce qu’on appelle désormais le cléricalisme. Le mot a d’ailleurs pris un sens complétement nouveau à cette occasion : c’était un rôle excessif du clergé dans la société politique, c’est maintenant un excès de pouvoir dudit clergé à l’intérieur de l’Eglise.

Il y a eu sans le moindre doute de graves défaillances dans le rôle de la hiérarchie, notamment épiscopale, en particulier dans la crise de la pédophilie ; mais aussi dans d’autres domaines, et notamment dans le désintérêt de trop d’évêques pour les vocations. Cela dit, ce terme de cléricalisme avec son nouveau sens tend à ne pas bien faire cerner la réalité du problème, et notamment sur trois points.

Le premier est que dans la crise pédophile, il n’y a pas eu excès d’autorité, mais insuffisance de l’autorité (notamment épiscopale), par absence de prise en main des problèmes et absence de punition. Trop d’évêques (la majorité ?) n’ont pas fait leur travail de patrons. Se soucier avant tout d’étouffer des affaires ou de manifester une compassion pour les seuls coupables (plus que pour les victimes) n’est pas un exercice de l’autorité ; c’est un acte irresponsable, que l’on paye maintenant. Voir ici mon www.pierredelauzun.com/Pedophile-da....

Le deuxième est que, de façon générale, on ne souffre pas dans l’Eglise actuelle, au niveau diocésain, d’un excès de pouvoir, mais d’une paralysie du pouvoir. Chacun sait qu’un presbyterium a un pouvoir immense pour bloquer un évêque qui a envie de bouger. Et que, plus qu’ailleurs dans la société, il y a une prime à celui qui ne fait rien et qui évite les problèmes, tandis que celui qui bouge et fait des erreurs à côté de belles réalisations en prend pour son grade (ainsi Mgr Rey). On le voit aussi dans les questions de mœurs : à l’erreur antérieure (réagir aux signalements d’abus en étouffant le problème et déplaçant le coupable) a succédé l’erreur symétrique : dénoncer immédiatement au procureur et, de fait, tuer civilement le prêtre en question, coupable ou non – avec suicides à l’appui. Dans les deux cas, on n’a pas de vraie autorité.

Le troisième est que si, par le passé, le respect du prêtre a pu conduire bien des victimes à ne pas les dénoncer, prenant sur elles seules la souffrance et l’injustice, on n’a pas diagnostiqué l’erreur sous-jacente. Elle ne réside pas dans le fait de tenir le prêtre comme un homme mis à part, ayant une vocation spécifique et par là une autorité légitime, justifiant un respect particulier ; car ceci est juste. Elle réside dans le fait de ne pas réagir à la faute grave d’un prêtre, alors que la bonne réaction devrait au contraire se fonder sur le décalage entre ce qui est attendu de ce prêtre et ce qu’il fait réellement. Ce n’est que par une conception faussée de la vocation sacerdotale qu’on ne dénonce pas aux services ou personnes compétents un prêtre pédophile, ou utilisant son autorité (par exemple, dans les sacrements) pour scandaliser des fidèles. Car c’est précisément parce que le prêtre est à part que s’il dévie gravement, il faut intervenir résolument, même si naturellement il faut le faire avec soin (car personne n’a la science infuse) et sans détruire la personne.

Plus généralement, il y a une tendance croissante à affirmer l’égalité de toutes les voies et vocations, du laïque moyen, au moine et à la moniale, au prêtre et à l’évêque. Ce qui est une absurdité en contexte catholique, et ce n’est pas pour rien dans l’effondrement des vocations. Quelqu’un qui en réponse à un appel voue sa vie au service du Christ, qui sera en outre (dans nos sociétés) célibataire, désargenté et sans le statut social d’autrefois, est quelqu’un qui emprunte une voie dure et exigeante, au service de tous. Ce n’est donc en rien une vocation comme une autre ; redisons-le : c’est une voie supérieure – ce qui à nouveau ne veut pas dire que tous ceux qui la suivent sont à la hauteur.

De ce point de vue, le processus synodal en cours, essentiellement capté par les revendications progressistes rabâchées depuis 50 ans, ne répond pas à la question, et risque d’aggraver le problème. Ecouter et associer les laïcs, oui bien sûr, mais sans faire planer en permanence un procès en suspicion sur les évêques et les prêtres, et surtout sans parallèlement rappeler leur rôle essentiel et éminent, ainsi que le besoin non pas de moins d’autorité, mais de plus d’autorité, et surtout mieux exercée. Dans un tel contexte, le faible niveau des vocations a toutes chances de se tarir plus encore.

Ce qui veut dire aussi échapper à la dérive inverse : l’excès d’autorité de la tête, cette personnalisation aberrante du niveau pontifical transformant le pape en une espèce de gourou ou de décideur universel, selon une dérive qui date d’ailleurs de loin (sans doute de la fin du XIXe siècle). Certes, à l’époque, l’ultramontanisme avait pour soi de réels motifs. Mais, en partie d’ailleurs du fait des moyens de communication actuels, on en arrive à ce qu’on a attende du pape de devenir le curé de la planète. Là aussi le processus synodal, nivelant les autres échelons, magnifie par contraste et à l’excès le rôle du décideur ultime.

Et ce n’est pas non plus l’appel permanent à l’autorité de l’Esprit Saint qui améliore les choses. L’Esprit Saint a évidemment le rôle central, et il faut se mettre sous son égide et tenter de discemer ce qu’Il peut nous dire. Mais Il souffle où il veut, comme le rappelle l’Evangile. Il ne suffit pas de prétendre se réunir sous son nom pour que le produit de ces délibérations, humaines, trop humaines, puisse automatiquement s’en réclamer. Prenons nos responsabilités et acceptons nos limites. Et reconnaissons que la crise de la foi est d’abord de notre responsabilité.

Il y a donc certainement besoin d’une révision en profondeur et d’une reconstruction. Mais pour cela il faut donner à chacun sa place, sa juste place. Les laïcs ont la leur, mais ce n’est pas celle des pasteurs. Les pasteurs ont la leur, respectée à juste titre, mais dès lors soumise à l’exigence correspondante.

Tous gardant en tête la véritable priorité : la conversion personnelle et la charité.


















































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